Chapitre VI : la naissance du Sabre :

Pour les japonais , le sabre serait né des 5 éléments : la terre , l'eau , l'air , le feu et le bois.
A bien y regarder , cela semble logique . La terre , berceau de la roche , sous forme de ce sable noirâtre , fournissant le constituant de base qui donne le TAMAHAGANE , l'eau impliquée à chaque phase de l'élaboration avec comme sommet , la TREMPE , l 'AIR indispensable pour aviver le feu et activer ses braises durant toutes le phases de création, le FEU lui aussi élément essentiel de la fonte du minerai à la forge de la lame, le BOIS, instrument vital qui alimente les feux et
" colmate " le minerai à la forge . On pourrait même en ajouter un sixième : le NEANT , finalité de ce sabre destiné à y entrainer tous ses ennemis .

A travers ce chapitre , nous couvrirons l'ensemble de la création du sabre depuis son origine, la terre , jusqu'à sa finition en objet prêt à être vendu et surtout utilisé.
Ce voyage comprend : la fabrication du minerai, la forge , le polissage , la fabrication du habaki , du fourreau temporaire , le shirasaya ,aux montures finales qui parachèvent l'objet, soit tout ce qui contribue à la création totale et parfaite requise pour qu''un sabre puisse vivre .

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satetsu

1.Le Minerai :

Le minerai provient quasi exclusivement de gisement de roche graveleuse ou sableuse assez fine de couleur noiratre nommée SATETSU ( terme qui couvre l'ensemble des formes de la roche mais de façon plus radicale le sable ferrugineux ) . (cf illustration N° 1 )
Ces types de matériaux sont généralement issus de l'érosion des couches de minerai de fer qui se déposent au fond des étendues d'eau , ce qui explique que ces métaux sont essentiellement trouvés au bord de mers , fleuves , rivières et marais . Le SATETSU varie du rouge au noir et ne contient guère plus en général d'1% de fer pur . Les métaux entrants dans la composition de ce sable sont les suivants : Magnétite ( Fe3O4 ) , Marcassite ( Fe S2 ) , l' Hématite ( Fe2O3 ) .
Dans le passé , le minerai de fer était séparé des autres sédiments en le faisant passer dans des canaux où l'eau était brassée, ainsi , le fer , plus lourd se déposait au fond alors que les autres sédiments étaient emportés par le courant. Aujourd'hui, cette méthode est abandonnée du fait de son impact sur l'environnement . Le sable est miné et extrait au bulldozer et transporté en camions .

2.Le Tamahagane :( cf illustration N°2)

Le TAMAHAGANE est l' acier avec lequel on fabrique le sabre.
Cet acier est obtenu dans un four de réduction , dit Bas-Fourneau ( en opposition avec les Hauts-fourneaux industriels , la différence entre les deux résidant dans le fait qu'un haut-fourneau peut fournir indéfiniment alors qu'un bas-fourneau doit s'arrêter pour retirer le produit " fondu ") .
L'acier est donc du fer contenant du carbone dans lequel , plus la teneur en carbone est importante , plus dur est l'acier .
Le seul TATARA en activité à ce jour , est celui de Shimane , relancé par le NBTHK en 1975 et situé à Yokota dans l'ouest de la péninsule de Honshu .
Dans un TATARA , on utilise le charbon de bois au lieu de charbon , comme dans l'acierie industrielle , pour produire de l'acier . Quelquefois , un acier électrolytique , appelé DENKAI-TETSU et fabriqué par un four électrique peut être utilisé comme substitut : mais jamais il ne portera les caractéristiques du TAMAHAGANE . Tout comme le " fer éponge " appelé KANGAN-TETSU , obtenu en enlevant tout l'oxygène du fer dans un premier temps , puis dans un second temps ,préparé avec un feu au charbon de bois pour obtenir un acier à haute teneur en carbone . Le choix peut être tentant , le prix du TAMAHAGANE étant de 40$ pour 6$ au DENKAI-TETSU le kilo et 65$ la tonne pour le KANGAN-TETSU ( Prix référence des années 80 ) .
Les fours type TATARA semblent venir à l'origine de Mandchourie via la Corée et datent des VI ou VII ème siècles .
Le TATARA de Shimane a une tradition de fabrication de minerai. Depuis l'ère EDO et jusqu'à sa fermeture en 1925 , 80% des lames y furent fabriquées .
Les fours ont bénéficié d'une progression notable au XVème siècle par l'adjonction d'une part,de drains ouverts permettant, de laisser s'écouler les scories fondues et d'autre part, par l'augmentation en taille du four lui même .
En effet , le même type de forge existait à cette époque , en occident notamment, mais les fours n'avaient pas cette taille (quelques centaines de kilos pour ceux-ci , contre plusieurs tonnes pour les TATARA ) .
Les fours tournèrent d'abord de façon prioritaire en hiver quand le travail des fermes laissait les paysans disponibles . Aujourd'hui , le TATARA tourne avec une douzaine d'hommes repartis en deux groupes ,en poste de 12 H quand le four est en action . ( cf illustrations de divers tatara) .
Ces fours de réduction étaient construits à l'aide de pierres , de terre argileuse , de murs en bois le tout enduit d'une couche épaisse d'argile réfractaire ; des tubulures étaient introduites pour le drainage et afin de permettre la ventilation à l'aide de soufflets à pistons .
En outre , la zone où repose le four est recouverte de charbon de bois puis brulée afin qu'elle soit recouverte de cendres . Ceci a pour effet, si le four est bien construit , de le faire durer longtemps car sous l'effet combiné de la chaleur et du feu toutes les moississures sont ainsi évaporées et le four est protégé de leurs infections .
Chaque fois que le TATARA sera de nouveau utilisé , les murs seront rénovés à l'aide d'argile et de morceaux de briques . L'argile utilisé contient beaucoup d'oxyde de silicium qui résiste au feu et à la fusion . Chaque mur est traversé à la base par une vingtaine de tubes en bambou .

Le procédé de fabrique du TAMAHAGANE dure 5 jours : un jour pour monter les murs et recouvrir le four d'argile , 3 jours pour fondre le TAMAHAGANE et un jour pour extraire et laisser refroidir l'acier .
On allume le foyer sur une première couche de charbon de bois de chêne et de pin puis on ajoute de nouvelles couches de charbon et cela pendant 3 heures.
Après que celui ci se soit consumé, on recouvre les cendres de charbon par une couche de minerai de fer , 30 minutes après , on rajoute du minerai et du charbon de bois ; 30 minutes plus tard même punition , minerai puis charbon et ce processus se prolonge toutes les demies-heures sans interruption pendant 72 heures .
Pendant ce délai , le minerai se réduit , la température atteignant 1200-1500°C. L'ensemble des impuretés contenues dans le métal ont fondu et se sont évaporées notamment sous forme d'étincelles . Cependant le fer est dorénavant mélangé avec du carbone .
Pour accomplir ce processus , 13 tonnes de minerai et 8 tonnes de charbon de bois auront été nécessaires .
A la sortie de l'opération , 2 tonnes de TAMAHAGANE seront fabriquées .
" L'éponge " d'acier en fusion est appelée KERA , elle sera libérée du four par démolition des murs ; ( cf illustration jointe). Après refroidissement , elle sera débitée en plusieurs stades , pour finir à l'aide de masses , en morceaux de taille adéquate . ( cf illustrations jointes) .
La moitié de cette " KERA " sera constituée d'acier composé de 0,60 à 1,50 % de teneur en carbone , le TAMAHAGANE . Les 2/3 de cet acier possède une teneur en carbone optimale de 1,0 à 1,2 % , le reste du TAMAHAGANE peut être utilisé pour créer des combinaisons d'aciers entre pièces de haute et faible teneurs en carbone durant la forge . La moitié de " NON-TAMAHAGANE " restant de la KERA , pourra être converti en stock utilisable pour la réduction ou l'augmentation de la teneur en carbone dans des opérations de forges annexes appelées " OROSHIGANE " . Ces opérations sont en général réalisées par les forferons dans leurs échoppes . ( voir paragraphe sur la forge à suivre ) .
Les différents degrés de dureté et de mollesse produits par les effets du carbone sur l'acier impliquent que les lames métalliques une fois " terminées ", absorbent mieux les chocs . Les variations de teneur en carbone produisent également d'incroyables effets esthètiques qui font le bonheur des appréciateurs et connaisseurs de sabres . La teneur en carbone du TAMAHAGANE pour une meilleure utilisation reste le fait de l'expérience du forgeron ou " KAJI " . Il doit être en général dense et lourd , d'une coloration brillante et argentée et doté d'une fine structure cristalline .
Un " pauvre " TAMAHAGANE sera grisâtre , voire noirâtre et grossier . Par ailleurs , les particules , bleues , rouges ou pourpres apparues qui pourraient être considérées commes des impuretés , ne sont en réalité que les résultats de l'oxydation dus à l'exposition à l'air de l'acier lors du refroidissement de la KERA .

tamahagane
tatara1
tatara2
tatara reconstruit
tamahagane
tamahagane 2
tamahagane débité

 

 

 

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Chapitre 6 : Naissance du Sabre